Souvenirs de vacances # Ray & Garrett

Ray ne cherchait même pas à empêcher les alarmes silencieuses de sonner sur son passage. Sans vraiment y réfléchir, il avait conduit jusqu'ici après avoir un peu trop bu. Avec quel véhicule était-il venu, déjà ? Il avait oublié, depuis qu'il l'avait, bien malgré lui, juré, encastré dans le cadre du joli portail de l'entrée. Ah ! ça, ils avaient revu la décoration, ici. Du vieux bordel à neurones sinistre surveillé par des gardiens à moitié aussi fous que les résidents avait succédé un joyeux, tranquille, mignon hôtel pour riches ennuyeux de la côte ouest. C'était navrant. Il n'y avait plus rien de drôle, ici. Même le maître de nuit - comment s'appelait-il, déjà ? Que disait son badge ? Ah ! Ce n'était pas important. Ray ne l'avait même pas écouté. Le gars ne l'avait pas suivi. Il avait juste décroché le téléphone. A qui pouvait-il bien téléphoner ? Aux surveillants ? Le vieux fou avait fait volte-face. Le souvenir des traitements, des coups ... Il avait arraché le combiné antique des mains du jeune homme, qui l'avait pris droit dans la tempe avec force et s'était recroquevillé, à moitié assommé.

Une cage d'escaliers, quelques couloirs. Il n'y avait pas âme qui vive. Où étaient les lumières ? Comment pouvait-on voir où on allait, et empêcher les agités de dormir ? On ne pouvait pas aveugler les clients endormis avec l'aura brute d'une applique nue s'il fallait lui faire une piqûre ! Cet endroit était vraiment devenu un sacré bazar. Il allait falloir revoir bien des choses, à commencer par la peinture et le papier-peint. Raymond entra dans une chambre au hasard, sans faire attention à son entourage. Il avait, de sa main encore bien vigoureuse, brisé le loquet sans même le réaliser. Arrivé là, il fit face au mur, puis se jeta dessus à plat ventre. Il avait mal au sternum. Il tenta un coup de boule et valsa brièvement. Oui, il allait falloir rembourrer les murs.

C'était pas sérieux, ça ! pas sérieux du tout. Où était le directeur ? Il avait deux mots à lui dire !

La nuit était tombée depuis un moment maintenant et Garrett termina de travailler sur quelques dossiers dans la pénombre de son bureau situé au premier étage dans une zone séparée du reste de l’hôtel. L’homme d’affaire sirotait un verre de whisky qu’il avait fait importer d’Allemagne. C’était un vrai délice et ça coutait la peau des fesses, mais bon, Wade s’en fichait, il avait les fonds nécessaires pour se procurer tout ce qu’il désirait réellement. C’est entre deux lignes que le puissant Garrett reçut un appel de la part du vigile de nuit qui l’informa d’une intrusion au sein de l’hôtel. Un vieil homme étrange avait franchi l’accueil et s’était précipité à l’étage. Son homme de main lui demanda s’il devait le suivre, mais Wade affirma qu’il irait voir. Le brunet se leva, replaça son veston sur son dos et sortir de son bureau. Il longea le long couloir qui le conduisit à la réception, prit les escaliers pour rejoindre le second étage où l’inconnu s’était déplacé. Il constata qu’on avait forcé la porte. En serrant les dents de colère, Carpenter ouvrit la porte, soufflant durement en constatant qu’un homme un peu sénile s’amusait à se rouler contre le mur. « Je peux vous aider, mon cher monsieur ? » Dit-il avec une touche de professionnalisme. Il tenta de contrôler sa colère et de garder son calme pour le moment.

Lorsqu'une voix se fit entendre, Ray arrêta immédiatement ce qu'il était en train de faire. Il se figea, et regarda à droite, puis à gauche. Était-ce une voix dans sa tête ? Non, c'était juste le manque de lumière et la cataracte. Alors, comme l'homme sur le pas de la porte venait de lui demander s'il pouvait faire quelque chose, il répondit, le plus naturellement du monde : « Il faut de la lumière, ici. Il n'y a pas assez de lumière. »
Une, deux, peut-être trois secondes, et il y eut un flash éblouissant. Le papi rit en accueillant l'éclairage qui le faisait pleurer. C'était mieux, c'était beaucoup mieux. Les yeux plissés, il chercha la source de la lumière, et, l'ayant trouvé, secoua la tête. Il se tourna vers Garrett, l'air sévère, l'allure consternée.
« Il en faut plus ! Comment voulez-vous qu'on en ait assez ? » Le jeunot, tout droit sorti de Vanity Fair, avait l'air de ne pas comprendre. Ou bien ? Etait-il énervé ? « Je dis pas ça pour vous engueuler, mon garçon ! Mais il faut faire quelque chose. N'importe qui peut se blesser, ici ! »
Ca n'allait pas, ça n'allait même pas du tout. Il allait falloir changer la literie, également. En la voyant, Ray alla d'un pas assuré vers le lit, et, avec une vigueur qu'on n'aurait pas deviné à son âge, sauta dessus avec ses chaussures crottées. « C'est bien trop confortable, ça ! »

C’est en observant le vieil homme se comporter d’une manière étrange que l’homme d’affaire prit peur. Il serra les points un peu soucieux de sa sécurité. Il savait qu’en cas d’urgence, il pouvait appuyer sur le bouton d’urgence sur le bord de la porte et on venait l’aider. Écoutant l’homme déblatéré sur la lumière, Wade décida d’allumer le combiné qui activa l’éclairage du plafonnier. Arquant le sourcil droit de manière perplexe, l’homme avança d’un pas. « Écoutez… vous n’avez rien à faire ici, si vous souhaitez profiter de nos biens et services, il suffit de faire un petit arrêt à la réception et de payer une chambre. Votre comportement est désinvolte et criminel. Vous avez brisé et forcé notre poignée et maintenant, vous vous amusez à salir notre literie… » Garrett lui répondit de la manière la plus polie possible, mais il siffla ses paroles entre les dents, idée de contrôler son choc face à la terre sur sa nouvelle literie qui lui avait couté quelques billets de cents facile.

Tandis que Garrett parlait, Ray avait arrêté ce qu'il faisait. C'était comme s'il était reparti de zéro. Il était descendu du lit en fixant le plafond, manquant de trébucher, et s'était approché d'un pas mal assuré. A deux mètres de lui, il se figea soudain, des yeux écarquillés fixant le propriétaire. C'était de la terreur. « La réception ?! La réception, vous dites ?! Mais je sais bien ce que c'est. Vous ne m'y mènerez pas, sacripan ! Je ne suis pas de ces fous, là ! » Il faisait de grands gestes tandis qu'il appuyait sur certains mots. Le brun avait reculé prudemment vers le cadre de la porte. Qu'est-ce qui se cachait là ? Un bonbon ? Une lime ? Une seringue ? Un hippocampe ? C'était intenable. Le suspense était insoutenable. Le vieil homme se projeta pour voir. Vu sa corpulence, il était tel un boulet de canon, et son hôte infortuné ne pouvait espérer le retenir malgré ses épaules vigoureuses. C'est ainsi que Ray vit le petit bouton.

Il tourna la tête vers Garrett, tout d'un coup d'un calme olympien. D'une voix sinistre, il lui demanda, les sourcils froncés : « Vous appelez les mâtons, c'est ça ? J'ai pourtant de grands projets pour cet endroit. » L'atmosphère était devenue glaciale.

Comment Garrett aurait pu s’imaginer tomber sur un pareil abruti ? Il ne comprenait pas du tout ce que venait faire ce cinglé dans son hôtel. C’est en écoutant ses déblatérations qu’il réfléchit un moment et conclut qu’il s’agissait surement d’un ancien patient de l’asile. C’était surement ça, sachant la démence que possédait cet homme. « Écoutez.. je ne sais pas où vous pensez vous trouver, mais ici, il s’agit uniquement d’un hôtel désormais. Nous n’avons plus rien à voir avec le Cardiff Asylum. Il n’existe plus. Si vous souhaitez une chambre, il vous faut payer pour profiter d’un lit confortable et de nos services des plus profesionnelles… » Il tenta de se convaincre que la situation n’était pas perdu. L’homme avança dangereusement vers lui, jusqu’à ce qu’il lui fonce droit dedans. Wade tenta de se débattre, mais ce dernier ne semblait pas vouloir l’agresser, mais lui vola le bouton qu’il garda en main avant qu’il ne puisse appuyer sur ce dernier. Merde… Il serra les dents toujours sur ses gardes. « On s’calme mon vieux… je n’ai plus envie de rire maintenant. Je n’ai aucune idée des projets que vous avez, mais vous ne les ferez certainement pas dans mon hôtel ! » Garrett était en colère.

Ray allait vraiment s'énerver, quand les paroles de l'autre hurluberlu lui causèrent une hésitation des plus sincères. Mais de quoi parlait-il ? Un hôtel ?! C'était une drôle de façon de parler de cet endroit, aussi innommable fusse-t-il. Et pourtant ... Pourtant, il y avait quelque chose là-dedans qui parlait à la partie encore saine de son esprit, une chose qui le titillait maintenant et le forçait à s'arrêter, à se calmer, à s'apaiser.

Il regarda autour. Lit douillet, téléviseur, jolies armoires, papier peint vintage ... Il n'était absolument pas dans une chambre de fou, fusse-t-il sénateur ou milliardaire.

Mais alors ... ?

Un poids mort sembla tomber sur son moral. Il dut avoir l'air de s'éteindre, comme un feu brutalement étouffé. Il lui sembla que la température venait de diminuer de quelques degrés ; mais il avait perdu toute impression fiable de température depuis des années.

Terriblement gêné, mais incapable de l'exprimer, il écarquilla les yeux, et sortit en trombe, poussant Garrett au passage. Plus de peur que de mal, sans aucun doute, du côté du play boy. Pour ce qui était du vieil homme, qui quitta les lieux en percutant le pauvre responsable de nuit, les embarras ne faisaient que commencer.

Pourquoi devait-il toujours avoir à faire avec des cinglés comme cet homme. Wade lança un grand et profond soupir face à la réponse des plus désertées. Il avait un grain, c’était bien évident pour Carpenter et il se demandait comment il arriverait à gérer ce cas particulier. En lui dévoilant les réelles commodités de l’établissement, le regard de l’inconnu changea justement. Pourquoi ? Il ne pouvait comprendre son résonnement, mais durant un moment, Garrett s’y sentit soulagé. Il fixa l’homme qui se releva soudainement et le poussa, passant à travers le cadre de porte et se rua jusqu’à la sortie. Le propriétaire des lieux se mit à la course derrière lui pour le suivre et voir ce qu’il allait faire. « Monsieur….! » Il ne voulait pas voir un client blessé par sa faute. Voyant qu’il venait de sortir, Garrett pointa l’individu aux hommes de sécurité qui s’approchaient de lui. Le brun ténébreux s’arrêta pour aider son employé à se relever, laissant la sécurité se charger de l’homme âgé. Après quelques minutes, ils reviennent, malheureusement, cet homme leurs avait filé entre les doigts. Carpenter soupira à nouveau. Il allait prévenir son personnel qu’à partir de cet instant, ce cinglé serait interdit d’accès.

TERMINÉ & VERROUILLÉ