Courir et flirter - ALICIA & GARRETT

Church Lane représentait un quartier calme où il faisait bon d'y vivre. Les disputes entre voisins étaient rares. Les enfants respectaient encore les adultes pour la plupart. Les pelouses étaient tondues, et les poubelles, vidées correctement. Personne n'étalait son linge sale en public. Un vrai cliché ! D'ailleurs, les maisons du quartier pouvaient faire office de publicité tant les façades restaient intactes malgré le temps qui s'écoulait rapidement. Il s'agissait d'un bon endroit pour élever sa petite famille. Alicia Catherine Birdman n'en possédait pas réellement. Elle avait hérité de la propriété de ses parents. Son père lui en fit cadeau à son départ inopiné, pour effectuer un grand tour du monde. Cet agent immobilier, veuf, avait pris sa retraite tôt afin de se préserver de la souffrance qui venait le rattraper : ses filles grandissaient, il craignait de finir seul ses vieux jours. Alicia vivait avec son mari, Connor récemment décédé. La jeune femme n'arrivait pas à se relever. Elle faisait comme si rien n'avait changé. Elle nettoyait la maison pour faire plaisir à Connor. Elle bougeait sans cesse les affaires de ce dernier pour s'occuper. Ce départ soudain l'avait terriblement affecté. La bouteille l'aidait à garder le dessus. Elle était devenue alcoolique. La blonde se levait avec une bouteille à la main et se rendormait le soir avec une autre. Son quotidien n'était pas à envier. Heureusement, elle pouvait compter sur sa sœur, ses amis, et son patron qui qualifiait son meilleur allié. Elle le connaissait depuis neuf ans, ils avaient noué de très bons liens.

Présentement, Al' se décida à sortir de la maison. Elle vivait un rare jour de congé en pleine semaine. Elle avait bu un peu ce matin pour finalement mangé un ridicule petit bout de pain sans rien dessus. Elle prit une douche avant de rejoindre l'extérieur. Ses cheveux dégoulinaient et elle choisit des vêtements simples pour tondre la pelouse. Sa tante allait débarquer demain. Elle était du genre à tout analyser. Depuis la mort de Connor, Alicia n'avait pas touché au jardinage car cette activité restait commune normalement. Il fallait qu'elle passe au dessus de ce détail. Elle osa enfin, la veille de l'arrivée de cette vieille tante acariâtre, la sœur de sa mère décédée vingt ans plus tôt. A peine les pieds mis dehors, un homme plutôt séduisant vint l'aborder. Directe, était sa façon de s'adresser à Birdman.

Bonjour, il s'agissait d'un joggeur, pas du tout. Euh... vous voulez entrer? Je peux vous servir de l'eau en bouteille. Elle souriait comme rarement. Cet homme lui inspirait confiance. Je m'appelle Alicia, dit-elle en attendant sa réponse.

Le joggeur accepta la proposition de la jeune femme, celle de rentrer dans sa bâtisse pour boire de l'eau. Jamais elle n'autoriserait un aussi bel homme à boire à travers le tuyau d'arrosage. Il valait mieux que cela ! Même en vêtements de sport, il possédait un charme et surtout une certaine classe, présence. En disant « oui », elle aurait peut-être permis à un cliché de se révéler : le fantasme du t-shirt blanc devenu transparent grâce à l'eau laissant transparaître des abdominaux bien taillés. Alicia n'était pas ainsi et elle ne pensait plus de cette manière. L'homme la gratifia d'un surnom : « rouquine ». Elle n'en avait pas eu depuis bien longtemps. Les surnoms restaient réputés comme affectifs. C'était touchant ! Garrett représentait un homme direct qui n'avait pas peur de prendre la parole devant des inconnus. Birdman ne le prenait pas mal. Impossible de se sentir mal à l'aise avec ce genre de personnes, Carpenter possédait une aisance qui se communiquait facilement.

Enchantée Garrett. Elle souriait, confiante. Le brunet la suivait à travers l'allée. Alicia était prête à chercher une bouteille d'eau dans son frigo, une des rares puisque les bouteilles d'alcool trônaient au froid en masse depuis trois mois. Garrett ne s'arrêtait pas de parler, il se présentait dans les règles et il n'hésitait pas à apporter des détails à sa propre description. Il était propriétaire de l'ancien hôpital psychiatrique, transformé en hôtel de luxe. Oui je connais, j'ai déjà mis les pieds là-bas. C'est magique, vous avez bien réussi ! Cela ne vous dérange pas qu'il se situe à l'emplacement d'un vieil hôpital psychiatrique ? Il s'est passé de drôles de choses... . Elle repensait à sa propre mère et aux autres victimes. Tenez, elle sortit une bouteille d'eau de son frigo et elle l'invita à s’asseoir.

Alicia C. Birdman venait de faire confiance à un inconnu qui lui demanda un petit service. Il avait soif et il réclama gentiment de l'eau. La blonde le fit entrer chez elle sans le connaître. Aussi, elle l'invitait à s'installer dans la cuisine pour boire. En plus d'avoir du style en vêtements de sport, l'homme savait parler aux femmes. Il avait la classe, du charme, une franchise et une gentillesse. Tout cela pour plaire ! Bien évidemment, Alicia ne pensait à rien d'exceptionnel en discutant avec Garrett. Dans sa tête, Connor se situait encore à ses côtés. Les quelques affaires éparpillées dans la maison, le prouvaient. Chaque soir, elle pensait encore qu'il allait rentrer. Elle vivait dans un déni. La boisson l'aidait à tenir et elle n'avait rien contre une bonne discussion avec des personnes aimables. Présentement, la conversation se lançait bien. Carpenter faisait preuve d'humour.

Vous avez tout bon ! C'est un magnifique endroit, votre famille a fait du bon boulot. Rien à voir avec l'hôpital psychiatrique ! Elle souriait, usant elle aussi de plaisanteries et de vérités en même temps. Vous avez raison, vous avez réussi à faire oublier l'ancienne bâtisse. C'est tout à votre honneur. Elle poursuivit pour éviter de continuer sur le sujet « asile ». Sa mère avait bossé là-bas pour y mourir, égorgée par un patient. Ce souvenir marqua la jeune femme mais aussi les moments qu'elle avait passé avec Connor à l'hôtel. Tout était confus et douloureux. Vous faites quoi d'autres dans la vie ? Vous avez des passions ? Une famille ? Elle ne doutait pas de la richesse et de la popularité de ce monsieur.  

Garrett Carpenter possédait une belle renommée : il était le propriétaire du Vintage Hotel avec sa famille. Alicia avait la chance de faire la connaissance de l'homme par hasard. Il s'était arrêté à sa porte pour boire de l'eau après sa course. Désormais, il se situait dans la demeure Birdman. Présentement, la discussion tournait autour du travail du bel homme. Il avait réussi à effacer l'ancienne réputation de l'endroit qu'il réhabilita autrement. Al' l'en félicita, elle était la première à faire l'apologie de ce type car elle constatait réellement les changements. Elle connaissait le vieil hôpital et elle ne le visualisait plus grâce au bel hôtel. Carpenter effectua du bon boulot.

Le nombre de vos clients ne cesse d'augmenter donc on se fiche de l'avis des habitants de Sidebay, vous ne pensez pas ?

La jeune femme souriait. Elle se sentait à l'aise avec Garrett, pas besoin de faire semblant. Ses dires sortaient naturellement. Elle lui posa quelques questions sur sa vie personnelle. Il ne représentait pas qu'un homme d'affaires mais un être humain également. Avait-il une famille ? Une femme ? Des enfants ? Des loisirs ? Alicia se montrait un peu curieuse mais l'étranger l'intriguait. Carpenter avançait ses passions : voitures, sport cinéma. Intéressant ! Il parlait de ses proches, il avaient deux sœurs et un frère. Il restait donc soutenu. La suite la surprit : pas de femme, cinq enfants.

Waouh, vous gérez comment avec le boulot ? Elle le voyait populaire mais pas père d'une grande famille. Heureusement que vous avez autant de passions pour décompresser, cela ne doit pas être simple tous les jours, voire fatiguant même. Elle souriait de nouveau. Vous êtes impressionnant ! Vous trouvez même le temps de courir, je vous admire. Elle demeurait curieuse d'en savoir plus. Garrett représentait un vrai mystère, amusant à percer.  

Il n'était plus question d'évoquer la famille de Carpenter, ni l'ancienne et la nouvelle réputation de la bâtisse dont il jouissait. Alicia comprenait que la discussion le tourmentait. Tout le monde devait le bassiner avec ce genre de détails. Garrett valait bien plus que cela. Il représentait un homme d'affaires ambitieux, père de cinq enfants et célibataire qui plus était. Birdman n'avait pas imaginé ce scénario. Pour elle, le brunet était en couple, sans enfants et très volage, rien de plus. Ses passions, elle n'en doutait pas mais le reste la choquait. Elle admirait cet homme qui jouait sur tous les fronts. Un sur-homme ! Présentement, Garrett s'arrêta pour effectuer quelques précisions. Les enfants ne venaient pas tous de la même femme. Impressionnant ! Il ne trahissait pas l'aura qu'il dégageait : celle d'un grand séducteur. Il laissait aux mamans le soin de gérer les gamins pendant qu'il s'amusait. A l’instant l'homme ne se privait pas de terminer sa bouteille et de poser sa main près de celle de son hôte. Déconcertant. Que faire ? Il possédait un regard doux. S'imaginait-il des choses ? Alicia qualifiait un divertissement pour lui ? Birdman ne saisissait plus rien. Comment réagir ? Solution : en simple cruche. Je vois. Vous avez la belle vie. Je peux vous demander un service ? L'esquive débutait. Vous savez allumer une tondeuse ? J'ai du boulot qui m'attend. Serait-ce efficace ?  

La situation avait bien changé. L'homme, jugé charmant et impressionnant par Alicia, tenta une approche plutôt déconcertante. Il préférait draguer la jeune femme. Ils étaient seuls et à l'intérieur d'une demeure, rien ne pouvait les déranger. Or, Birdman se trouvait bien gênée. Elle ne connaissait pas cet homme et surtout elle venait de perdre son mari. Son deuil n'était pas passé et elle avait l'impression de tromper Connor donc elle ne pouvait pas céder aux avances de ce type volage. Elle ne représentait pas un objet. Avec un léger regret, Alicia répondit clairement : je suis navrée, je crois que je vous donne de fausses impressions. Je vous trouve vraiment incroyable. Je suis désolée si je vous ai donné l'impression de vouloir plus mais ce n'ai pas le cas. Je viens de perdre mon mari vous savez, je ne peux pas lui faire cela. Je m'excuse, je vous demande de partir car je sens que la situation devient étrange et cela me met mal à l'aise. Je ne veux pas vous froisser, pardon. Elle baissa les yeux au sol. Elle se débrouillerait seule en abandonnant sa mission certainement, un bon verre l'aiderait sûrement !   

Alicia C. Birdman sentait qu'elle avait réussi à déstabiliser son interlocuteur. Elle n'en jouissait pas. La jeune femme souhaitait juste rétablir une réalité concrète : elle n'était pas libre. Alicia donnait peut-être une fausse impression et elle s'en excusa expressément. Elle pensait que quelque chose en elle faussait la donne. Elle culpabilisait un peu. Garrett s'était jetée sur elle et la pizzaiolo l'avait réellement cassé dans son élan. La proposition restait flatteuse : passer un moment avec le PDG du Vintage Hotel mais improbable: elle demeurait encore mariée. Son deuil n'était pas fait. Aussi, elle ne devait pas représenter la seule femme, draguée par le bel homme. Alicia observait un changement dans l'attitude de Carpenter : une distance s'instaurait. Birdman avait demandé à cet inconnu de sortir de chez elle. Elle ne s'était pas montrée dure, elle restait juste gênée. Garrett comprenait. Il exprimait sa compassion pour la perte de son mari et il présentait ses excuses.

Vous êtes pardonné. Elle le trouvait toujours attachant malgré tout. Il annonça la durabilité de sa proposition, Al' ne réagissait pas. Elle le laissa partir tranquillement. Au revoir.