La chaleur était déjà présente alors que l’homme émergeait difficilement de son lit douillet. Nathanaël s’étirait comme un chat avant de filer sous la douche. Ceci fait, il s’habilla d’un t shirt assez simple ainsi que d’un jean puis il prit son téléphone dernier cris. Il devait voir cette femme aujourd’hui. Cela faisait deux mois qu’il était sur les traces de ce petit morpion qui lui avait piqué son pognon avant de disparaitre comme par enchantement et grâce à ses fameux contacts, le norvégien avait découvert l’existence d’une sœur à cet enfoiré. Alors, un plan s’était imposé à lui comme un livre où l’on peut prévoir la fin. Il décida qu’il était temps de se venger. L’homme avait appris que cette inconnue était employée dans une société qui s’occupait de faire nager les riches avec divers animaux marins tels les requins.

Il prit rendez-vous pour 13 heures sonnantes avant de regarder une dernière fois la photo qu’on lui avait fourni. Nathanaël la trouvait à son goût et ce n’était que mieux pour réussir sa mission au mieux. L’homme s’affala ensuite sur son lit avant de commander à manger, il avait encore un peu de temps avant de devoir partir. Sa demande fut assez particulière, le patron devait attendre la dernière minute avant de prévenir la jeune femme de l’arrivée de son client de dernière minute. Les heures passèrent  rapidement pour le trafiquant qui ne cessa de passer des coups de fils pour entretenir son marché ou son réseau. Lorsqu’il fut temps de partir, il appela un taxi pour ne pas avoir à marcher. L’homme n’avait pas envie de marcher aujourd’hui, impatient de rencontrer cette sœur qui serait un objet de marchandage malgré elle.

Arrivé sur le port, il suivit les panneaux avant de reconnaître sans mal la jeune femme presque de ses rêves. Nathanaël se déplaça jusqu’à elle. Il grimpa sur le voiler avant de s’arrêter devant le molosse qui venait de se dresser. Le badboy leva finalement les yeux vers Hailey en entendant sa voix. « Lui-même. Enchanté mademoiselle ? » Son ton était doux, roque mais charismatique comme il savait si bien le faire. Un sourire dandy, il désigna le chien. « Belle bête. »

Une fois les présentations faites, le jeune homme s’avança sur le pont après avoir observé le chien se coucher dès que la belle capitaine en avait donné l’ordre. C’était un animal fort obéissant et il avait presque l’impression que c’était l’un des hommes de main que Nathanaël avait et qui étaient aussi bien dressés que ce molosse. Le trafiquant sourit un peu en s’installant sur le pont, ses yeux d’un bleu océan se fixant sur la belle sans aucune gêne. Il l’écouta sans sourciller, conscient que la plongée qu’ils allaient faire n’était pas une balade de santé et c’était ce qu’il recherchait, au final.

Se prouver qu’il était en vie, chercher le danger pour obtenir cette adrénaline dont il était devenu accro depuis toutes ses années de galère et de trafique en tout genre. « J’ai fais de la plongée ces six derniers mois environs toutes les deux semaines, ça me détend. » Il haussa les épaules avant de poser ses coudes sur ses genoux, s’avançant un peu vers cette femme qui semblait de plus en plus à son goût. « Pour ce qui est du pied marin, je pense que j’ai ce qu’il faut, Hailey. Et appelez-moi Nathanaël, ça me perturbe qu’on m’appelle monsieur surtout venant d’une aussi belle jeune femme. »

Dragueur, il savait qu’il risquait de se faire envoyer sur les roses mais il fallait suivre le plan, il fallait qu’il obtienne vengeance ainsi que son argent. Le trafiquant sourit un peu plus, grattant sa barbe naissante de sa main droite avant de reposer son regard sur le chien. « Jackson n’aime pas les étrangers, je vois. Vous avez raison de l’avoir. On ne sait jamais sur qui on peut tomber de nos jours. » Il attendait qu’on parte, le client, son regard oscillait maintenant entre l’horizon et le corps pour le moins très agréable de cette Hailey. Douce vengeance que voici. Tellement douce vengeance qui semblait se profiler devant lui. « Simple curiosité, quelle âge avez-vous ? J’aime savoir avec qui je plonge. »

Visiblement, son charme naturel était inefficace sur la jeune capitaine et cela rendrait le jeu plus palpitant, plus excitant également. Et puis, les défis, il connaissait. Il avait vécu presque toute sa vie en prouvant au monde qu’il était capable de tout. Du pire comme du meilleur. Il était le plus grand trafiquant de son pays, une figure plus que notable aux Etats Unis alors cela n’allait pas être cette midinette aussi charmante fut-elle qui allait l’arrêter ou le faire renoncer à ses projets. Il avait bien noté les yeux de la belle qui allaient vers le plafond céleste mais cela n’eut d’autres effets que de le faire sourire un peu plus, franchement amusé. Puis, il posa son regard sur les différentes combinaisons de plongée qui s’offraient à lui. L’homme s’approcha légèrement, posant ses fesses sur le rebord du siège pour mieux observer les vêtements. Il fronça les sourcils avant de prendre finalement la première venue – après vérification de la taille bien entendu – et il se redressa pour se diriger vers la cabine.

« Je pourrais le faire ici mais il ne vaut mieux pas choquer les âmes sensibles. »

Bon, c’était petit et pas franchement utile mais il avait bien l’impression que cette Hailey était légèrement coincée. Pas comme son cher frère en tout cas. Cela l’amusa de comparer les deux puis, il fila dans l’habitacle pour se changer rapidement. Déposant son collier dans sa veste, il eut un pincement au cœur de l’ôter de son cou. C’était un petit médaillon avec le portrait photo de sa mère avant qu’elle ne tombe malade. Il y tenait comme à la prunelle de ses yeux et le laisser sans surveillance l’agaçait légèrement mais qui irait le voler ? Le chien ? Les requins ? Au pire, il retournerait le chercher lui-même.

« Concernant vos qualifications, je n’en doutais pas un instant. Sinon je ne serais pas là. Je parlais surtout de faire connaissance mais restons professionnels puisque c’est ce que vous souhaitez. »

Il avait passé sa tête par la porte de la cabine pour lui répondre avant de la rejoindre et de commencer à examiner la bouteille qu’elle lui avait donné. C’était une habitude, il ne faisait confiance à personne et c’était sûrement grâce à cela qu’il avait pu se hisser au sommet en aussi peu de temps. Nathanaël fixa un moment la demoiselle avant de poser ses yeux sur l’océan.

« D’où je viens, l’eau est moins bleue, moins transparente. Elle peut réserver des surprises étonnantes.

Pourquoi parlait-il ainsi de sa Norvège chérie ? Il ne savait pas mais parfois, il était nostalgique de son pays natal. Pour certains, être un étranger était une tare, pour lui, c’était un atout non négligeable. Tant pis pour les mauvaises langues.

Respectueux de l’intimité de la jeune femme, il prit soin de ne pas retourner sur le pont avant un moment, histoire de ne pas tomber sur une belle navigatrice dénudée bien que cela lui plairait plutôt. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Nathanaël essayait de se montrer le plus gentleman possible avec ces demoiselles. Il poussait la chaise, payait les additions, demandait une carte sans prix pour son invitée, lui payait des bijoux et autres. Les rares conquêtes qui ont durées, les dames étaient comblées mais jamais personne ne réussit à obtenir le cœur du beau norvégien. Il ne pouvait s’empêcher de comparer les jeunes femmes à sa défunte mère qu’il considérait comme parfaite. Pas physiquement cela dit, uniquement mentalement. Le trafiquant leva ensuite les yeux en entendant la déclaration sur la bouteille qu’il scrutait avec attention. Cela lui arracha un sourire malicieux accompagné d’un haussement d’épaules.

« Ne le prenez pas pour vous. Je le fais systématiquement. Un tic d’après certains. Personnellement, je nomme ça, l’instinct de survie. »

Il reposa finalement les harnais de la bouteille avant de se caler sur la banquette, observant l’immensité qui s’affichait devant eux sans complexe. Il aimait vraiment l’océan, ce calme et en même temps cette menace permanente qui planait au-dessus de la tête de n’importe quel individu, indomptable beauté. Presque comme Hailey. Surpris de la voir sortir une bouteille d’alcool, il ne fit aucune remarque, la regardant faire un rituel qu’il jugeait étrange mais pas inutile. On ne savait jamais lorsqu’on était en mer. Nous étions en vie uniquement par la volonté des éléments.

« Je viens de Norvège. »

Nathanaël ne s’étala pas plus que cela sur ses origines, trouvant que c’était inutile et que cette capitaine devait bien s’en ficher. Ce qui lui semblerait normal après tout. Pour le moment, c’était un client comme les autres. Pour le moment.

« Je ne sais pas, pour les requins. Ceux qui sont les plus fascinants. Même si je les trouve tous digne d’intérêt. Je vous laisse choisir, vous êtes l’experte et moi le jeunot. »

L’homme sourit un peu plus, observant la demoiselle s’occuper du bateau pour larguer les amarres. Il était temps de partir en effet. Même si Nathanaël était là pour elle, il avait envie de voir les monstres marins par curiosité. Peut-être y trouverait-il une ressemblance entre eux et lui ?

Nathanaël sentait enfin le large sous ses pieds, ces vibrations caractéristiques qui le détendaient toujours. L’homme rit un peu en l’entendant parler de la distance. De toute façon, ici ou ailleurs, c’était du pareil au même pour lui. Il était devenu un solitaire par la force des choses et n’était plus attaché à ses racines depuis un moment maintenant. La Norvège restait son pays, ses souvenirs d’enfance mais cela s’arrêtait là ou presque.

Cependant, il fut franchement surpris de la question d’Hailey. Il leva le nez vers elle, un air franchement étonné sur le visage mais pas outré ou gêné. Rapidement, il reprit son masque où il ne laissait rien paraître ou presque. L’homme soupira légèrement avant de lui répondre sincèrement.

« Je n’ai plus de famille. »

Le trafiquant soupira un peu avant de regarder les dauphins désignés par la capitaine. Il sourit un peu avant de s’approcher du bord, quittant sa bouteille pour le moment. Ces créatures étaient tellement naïves que, le peu de fois où Nathanaël avait pu en observer, il les avait trouvé touchants. Le norvégien soupira et les regarda suivre le bateau en faisant des bruits si caractéristiques.

« Ca me va pour les requins. Vous êtes née ici ? »

Après tout, il n’y avait pas de raison. Même si l’homme connaissait l’histoire de cette famille, il devait faire semblant qu’il était ignorant. Le trafiquant soupira longuement en retournant à sa place, impatient de voir ces bêtes si étranges et magnifiques qu’étaient les requins. Il aimait ce pays et cette chaleur étrange qui caressait son visage avec bienveillance. Le froid était mordant, strict et dur. Le soleil était tendre, aimant mais plutôt vicieux. Il brûlait autant que le blizzard.

« Vous n’aimez pas les étrangers, je me trompe ? »

Autant crever l’abcès rapidement et puis cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. L’homme aimait changer de sujet d’un coup, comme pour surprendre son interlocuteur. Il passa sa main dans ses cheveux, admirant le paysage avec un regard presque enfantin. Chose tellement rare pour lui.

L’homme haussa les épaules et soupira un peu en entendant ses excuses. C’était la vie. C’était ainsi. Il tourna le nez vers elle et lui fit un sourire simple, de ceux qui veulent dire que ce n’était pas blessant ou autre. Le trafiquant mit sa bouteille sur ses épaules avant de se réinstaller sur les coussins. Nathanaël s’étira un peu, la chaleur le rendant un peu mou.

« Ce n’est rien. Il n’y a pas à être désolé d’une chose dont vous n’êtes pas coupable. »

Le trafiquant l’écouta sans mot dire au début. Elle était une fille très différente de ce que l’homme n’avait connu jusqu’à maintenant. Il pencha un peu la tête par habitude puis il haussa les épaules en souriant un peu, elle n’avait pas tort.

« Il y a beaucoup d’endroit où les touristes sont mal vus. C’est vrai que généralement nous venons en terrain conquis sous prétexte qu’on apporte de l’argent. J’aime assez les gens que j’ai rencontré ici jusqu’à maintenant. J’aime la simplicité. Contrairement à ce que vous devez croire, je suis d’origine très modeste et mon argent, je ne le dois qu’à moi-même. Vous parlez de l’hôtel Vintage ? En quoi vous dérange-t-il ? »

Bien sûr, Nathanaël évita de mentionner qu’il logeait là-bas pour le moment. Hailey venait de baisser très légèrement sa garde, hors de question de la faire remonter dans sa tour d’ivoire. Il soupira un peu avant de se lever et de marcher un peu sur le pont, jetant un œil sur le chien qui n’avait pas bougé d’un pouce. Il pensait savoir ce qui gênait la jeune femme avec cet hôtel. C’était un établissement qui visiblement n’avait pas très bonne réputation dans le quartier. Nathanaël avait l’habitude de ce genre de chose mais il comprenait que cela pouvait perturber la vie des habitants de cette petite ville.

Nathanaël observa un moment la jeune femme si vulnérable et étrangement prisonnière d’une chose qui pesait visiblement encore sur ses frêles épaules. Le garçon fronça légèrement les sourcils avant de se redresser légèrement. Il ne savait pas réellement comment se comporter dans une telle situation mais il devait bien faire quelque chose, comme si cette peine faisait écho à celle qu’il éprouvait à la disparition de sa mère.

« Qui avez-vous perdue ? Je connais ce regard, je le connais car je l’ai eu pendant très longtemps. »

Il sourit un peu, légèrement avant de reporter son attention sur l’eau un instant, de peur de gêner la demoiselle avec cette question indiscrète. Mais ce regard… Ces yeux… C’était les mêmes qu’il voyait à l’époque lorsqu’il se regardait dans une glace. Des iris mornes, tristes comme les pierres et qui demandent secrètement de l’aide.

« Mon bien le plus cher reste ma moto. Le reste. La maison est assez petite, une sorte de pavillon ici je dirais. Sans jacuzzi ou piscine. Je préfère m’occuper des gens qui n’ont pas de quoi se payer une couverture maladie pour se soigner correctement »

Et c’était vrai. Il avait fondé une association qui aidait à payer les déboires financiers des maladies graves comme celle de sa mère. Nathanaël sourit franchement en l’entendant, se grattant la nuque pour garder contenance, Hailey détesterait sans doute qu’il se mette à rire. Même si c’était vraiment tentant.

« Je comprends. Mais votre comparaison est vraiment imagée. Vous n’avez pas pu protester contre son installation ? »

Le client hocha simplement la tête avant de pousser un très léger soupire. Il comprenait. Peut-être plus qu’elle ne le pensait mais il n’en dit rien, se contentant de baisser les yeux en signe de compassion ainsi que la formule de politesse habituelle mais qui sonnait vrai, qui prenait une autre dimension dans sa bouche.

« Je suis désolé. Si vous avez besoin, même si je suis un étranger impotent et mal poli, je suis là. »

Nathanaël soupira un peu une nouvelle fois en l’entendant. Il ne se moquait pas de sa cause juste de la comparaison mais il préféra laisser tomber. Cela dit, il se demandait bien pourquoi Hailey pensait être si peu importante pour que sa voix n’ait aucun poids. Même lorsqu’il n’était rien, qu’un simple avorton, il n’avait jamais pensé cela, préférant se battre corps et âme pour ce qu’il pensait.

« Vous ne devez pas penser ainsi. C’est en se battant à s’en faire saigner les jointures, en hurlant à s’en faire perdre la voix qu’on devient quelqu’un. Pas en se morfondant sur soi-même en espérant que quelqu’un d’autre ait le cran de faire ce qu’on désire. Vous en avez la force, qu’attendez-vous ? »

Il écouta ensuite ses avertissements, hochant la tête en signe de compréhension avant de saisir le couteau et de le ranger à sa ceinture avec précaution. Nathanaël avait tellement l’habitude de ce genre d’outil de travail qu’il maniait la lame avec brio et cela se sentait. Puis, il s’avança vers l’eau, se penchant pour regarder au travers. Le client était maintenant impatient, bien loin de l’imprudence, il attendait de recevoir son masque ainsi que le top départ pour aller se baigner avec les plus grands prédateurs marins connus. Son sourire en disait long sur son bonheur mais ses yeux montraient sérieux et compréhension du danger, un mélange étonnant mais qu’il arborait souvent. C’était comme s’il s’était payé son cadeau de noël avant l’heure !

Nathanaël eut un petit moment de silence, se retenant de faire une remarque sarcastique sur le frère en question mais il ne laissa rien paraître. Il se contenta de hocher la tête avant de se recoiffer rapidement, écoutant la réponse qu’elle faisait suite à leur léger débat. Il sourit doucement, il comprenait cette résistance et il était vrai que l’argent achetait tout, y compris l’opinion des autres.

« Alors, devenez riche. Tout est possible tant qu’on se bat assez fort pour l’obtenir. »

Il sourit, sincère en tentant de lui insuffler la force que lui avait donné le décès de sa chère mère. Nathanaël n’ajouta rien de plus, c’était inutile. Le chemin devait se faire dans le cœur et la tête d’Hailey. Il ne pouvait savoir pourquoi, le trafiquant était touché par ce bout de femme qui semblait seule au monde et qui souhaitait le changer. Comme lui. Mais il avait perdu ses illusions depuis longtemps. Cependant, il n’avait pas envie de communiquer cela à cette femme. Tous les gens méritaient de garder l’espoir que le changement était possible. Car il l’était. Peu importe le moyen, il l’était.

L’homme ajusta sa combinaison avant de s’étirer et de s’assurer que sa bouteille d’oxygène était solidement attachée à son dos. Puis il s’installa sur le rebord du bateau, dos à l’eau en attendant le signal pour aller voir les requins.

« Bon plongeon, Hailey. »

Lorsqu’il eut l’autorisation, il se laissa glisser en arrière et tomba dans l’eau. L’homme nagea légèrement avant d’attendre sa monitrice. Ce monde de silence était tellement étonnant pour lui, c’était reposant et terriblement captivant. Il fit signe que tout était ok à la plongeuse, attendant une nouvelle fois ses ordres.

Dans l’eau, tout était différent. Il n’y avait plus de statut social, d’homme, de femme ou d’animaux, il n’y avait que ce liquide aqueux d’un bleu céleste et d’une transparence remarquable. Nathanaël se sentait tellement léger lorsqu’il plongeait, il se sentait libre, libre de tout, de ses peines et ses désespoirs. Libre de ses obligations et de ses sentiments. Le trafiquant aimait ces moments particuliers qu’il arrivait à obtenir, comme une alchimie étrange entre lui et la mer qu’il respectait profondément. C’était comme un échange de bons procédés. Il la respectait, la cajolait et en échange, elle le berçait de ses bras maternels, lui permettant d’entrevoir le magnifique écosystème qu’elle protégeait jalousement. Et les requins qui tournaient lentement, sereinement près d’eux en étaient le plus beau témoignage.

Le cœur de Nathanaël s’emballait à mesure qu’ils s’approchaient de ces majestueux carnivores. Il gardait toujours un œil sur Hailey pour la suivre, rester auprès d’elle et ne pas faire de faux pas. L’homme l’observa un instant, elle semblait être comme un poisson dans l’eau et visiblement, ce tableau suffisait à son bonheur. Comme il l’enviait, lui, il lui fallait tellement plus. Il fallait qu’il obtienne le monde et il savait que cela ne lui suffirait pas, jamais. Il était malheureux comme les pierres malgré son apparente jovialité et elle, elle avait trouvé comment être heureuse malgré tout. Malgré les déboires de la vie. Le chef d’entreprise savait qu’elle avait réussi là où il avait échoué. Il tendit la main vers l’un des poissons, interrogeant la capitaine du regard pour savoir ce qu’il devait faire, curieux et impatient mais toujours teinté de respect.

Le trafiquant la regarda faire avec curiosité, ne reculant même pas lorsque le requin vint dévorer avidement le poisson mort. S’il avait pu, il aurait eu le sourire jusqu’aux oreilles. Ces êtres vivants étaient tellement étonnants. Ils semblaient avoir peur des humains mais en même temps, l’appât de la nourriture était plus fort que leur crainte. Il prit le gant en côte de maille et l’enfila rapidement avant de prendre la carcasse que lui tendait la jeune femme. D’une main assurée, il tendit la nourriture vers l’un des autres requins qui s’approcha rapidement.

C’était terriblement excitant et en même temps, c’était à se faire dans son froc, ce qu’adorait faire Nathanaël. Le poisson fut gobé aussi rapidement que le premier et le requin nagea un peu plus loin pour savourer son repas. C’était un autre monde où les humains n’étaient pas au sommet de la chaine alimentaire, ils étaient relégués et cela plaisait à l’homme. Il fit un signe de tête en guise de remerciement à Hailey, prenant un nouveau poisson dans sa main gantée. Ses gestes étaient lents pas uniquement à cause de l’eau mais surtout parce qu’il maîtrisait ses mouvements, ne voulant pas exciter d’avantage les carnivores alentours. Puis, il vit un mouvement du coin de l’œil. Surpris, il tourna la tête vers la source de l’agitation pour observer un nouveau requin qui avait sûrement été attiré par l’odeur des carcasses.

Le nouveau prédateur ne sembla pas étonner Hailey mais elle dût le trouver trop prêt à son goût car elle lui donna un coup de harpon ce qui surprit légèrement Nathanaël sans le choquer. Il se doutait bien que si ce bout de femme avait fait cela c’était uniquement pour les protéger. L’homme observa le requin s’éloigner avant de revenir un peu plus lentement. Puis, elle lui retira le gant pour donner à manger avant de poser sa main sur la peau si caractéristique du requin. Nathanaël eut un long frisson à la fois d’excitation et de fascination.

C’était incroyable comme sensation. On pouvait sentir les muscles du monstre mais sa peau était d’une douceur étonnante, presque parfaite. Ses doigts caressaient le revêtement du requin avec une douceur  presque comme un amant qui touchait sa compagne. L’animal semblait ne même pas se soucier de ce contact comme s’il savait qu’ils ne lui voulaient pas de mal. Nathanaël était de ceux qui pensaient que les êtres vivants avaient un instinct pour savoir si les hommes leur voulaient du mal ou non. Le trafiquant ferma les yeux en sentant le poisson s’éloigner lentement, visiblement plus tellement intéressé par eux. Il préférait sans doute le poisson. Le client ouvrit à nouveau les yeux et remercia d’un signe de tête la jeune femme. C’était une expérience unique et il en avait même oublié sa mission, le temps de cet échange incroyable. Mais les animaux s’en allaient finalement, ne sentant plus l’odeur des poissons. Ils avaient tous dévorés les malotrus !