Kayden&Elian + If you fall, I will catch you

Avoir une assistante qui pouvait me donner un coup de main dans mon boulot au quotidien était un changement plutôt perturbant, compte tenu que j’avais toujours eu pour habitude de m’occuper de mes propres affaires, mais je ne pouvais pas dire que je regrettais mon choix, parce que ce serait mentir. En effet, je me retrouvais soudainement un peu plus libre, et surtout en mesure de faire pendant la journée certaines choses que je devais régler une fois le soir venu seulement, parce que d’autres détails venaient me déranger, détails que je pouvais maintenant remettre entre les mains de mon assistante. Évidemment, tout n’était pas parfait, mais je sentais le changement et mieux encore, je commençais à en profiter. Et ça, je le fis en commençant par, à la fin de ma journée de travail, quand la majorité des clients eurent quitté les lieux et que je me fus assuré qu’il n’y avait rien de prévu pendant la soirée, me rendre à cette clinique de désintoxication où j’allais faire du bénévolat parfois. Malheureusement, le temps m’avait grandement manqué ces derniers mois, alors j’étais bien de reprendre le temps perdu. Premièrement, je fus heureux de voir les employés, leurs visages, les retrouver, et une fois sur place, on me demanda d’aller distribuer le repas du soir dans les chambres. Sans poser de questions, j’acquiesçai, puis j’attrapai le chariot qu’on me remit, commençant à faire la distribution en frappant à la porte des chambres puis en remettant le repas aux locataires. Finalement, au bout d’un étage, j'arrivai avec un repas restant, frappant à la porte d’une chambre fermée. Par principe, je m’annonçai en disant:  « J’apporte le repas. » en attendant d’avoir une réponse par la suite.

Puisque je n’étais pas là tous les jours, et qu’en plus, cela faisait longtemps que je n’étais pas venu faire mon tour, je ne savais pas par coeur le nom de tous les occupants et plus encore, je ne pouvais pas associer chaque numéro de chambre à un nom quelconque. Et puis, avais-je vraiment besoin de le faire ? Pour apporter le repas, pas nécessairement. De plus, je tentais de me montrer poli avec tout le monde, donc une personne ou une autre, cela ne changeait rien. Enfin, dans certains cas, il y avait des exceptions, comme je le prouvai au moment où j’ouvris la porte après qu’on m’ait invité à le faire et que je me rendis compte que le patient présent était nul autre qu’une tête bien connu. Sans hésiter un instant, je lui souris à son exclamation, et je lui répondis:  « Eh bah, salut toi ! », ne sachant pas toutefois si je pouvais lui dire que c’était une bonne surprise. Après tout, s’il était en ces lieux, pour le coup, quelque chose avait dû mal tourner et ça, ce n’était pas nécessairement bien. Malgré tout, je tentai de me montrer de bonne humeur, puis je pris le plateau avec le repas, le déposant sur la table qui était dans la chambre. Par contre, parce que je ne pouvais clairement pas simplement passer par ici comme je le ferais avec d’autres, je décidai de me permettre de prendre quelques minutes de plus en compagnie du jeune homme, puis je dis:  « Comment tu vas ? », croisant les doigts que par la même occasion, je sois en mesure d’en savoir un peu plus sur ce qui s’était passé pour qu’il se retrouve dans ce centre, parce que même si je tentais de faire bonne figure, il n’en demeurait pas moins que j’étais quand même inquiet de voir le jeune homme ici, parce que je le connaissais et que naturellement, je voulais son bien-être.

La réponse un peu trop fausse à mon goût de Kayden m’arracha un froncement de sourcils qui ne fit que s’accentuer au moment où il dit que ce n’était pas lui qui avait un problème, mais bien les autres, en gros, les préposés du centre de désintoxication à qui on faisait porter le blâme pour tout. Aussi triste cela puisse-t-il être, sa réaction ne me surprenait pas. Oui, il y avait longtemps que je n’étais pas venu, que je n’avais pas côtoyé des patients, mais j’en avais vu assez dans ma vie pour savoir que certains niaient leur condition. Plus encore, moi-même j’avais été dans le déni pendant un moment, à croire que je prenais ces médicaments pour ma condition, non pas parce que j’étais accro ou quelque chose comme cela. Évidemment, ce genre de situation était toujours particulièrement délicate, d’où le fait que je ne sus pas vraiment quoi répondre dans un premier temps. Puis, après un moment, je décidai de carrément jouer le jeu, et je demandai à Kayden:  « Je peux toujours essayer, mais pour ça, il faudra que tu me racontes exactement ce qui s’est passé, et en détails, d’accord ? » Après tout, c’était une tentative comme une autre. Je n’étais pas un expert non plus, je faisais mon possible pour aider, mais pour le moment, c’était probablement le mieux que j’avais trouvé, alors j’allais m’en tenir à cela et je m’ajusterais en conséquence en cas de besoin par la suite.

Cela ne me faisait pas plaisir de faire un tel constat et ça ne me mettait pas à l’aise non plus, parce que je n’étais pas un expert, un simple bénévole, mais à ce point, il me semblait évident que Kayden était dans le déni total. Non seulement, il agissait comme s’il n’y avait pas de problème mais de plus, il blâmait les autres et non sa personne pour ce qui s’était passé. Peut-être qu’effectivement, il avait eu un coup de fatigue, mais il n’en demeurait pas moins qu’en plein milieu de la rue, ce n’était pas chose normale et que de plus, les gens qui l’avaient diagnostiqué n’étaient pas idiots non plus. Bon d’accord, peut-être qu’il y avait exagération, mais pour moi, ce n’était pas possible que ce soit tout blanc ou tout noir et pour ça, je ne prenais pas la défense de qui que ce soit, je ne faisais que me fier sur mon expérience personnelle. Moi-même, je n’avais pas voulu accepter le fait que je prenais trop de médicaments alors que je n’en avais plus besoin, puisque ma blessure était guérie depuis un moment. Il avait fallu que quelque chose vienne me frapper, une sieste trop longue, pour que ce soit clair et précis que je vivais dans le déni, comme Kayden semblait le faire en ce moment. Mais comment étais-je supposé le lui dire ? Était-ce vraiment à moi de le faire ? Devrais-je peut-être faire comme si je n’avais rien remarqué ? Pour cette dernière question, ce n’était juste pas possible, raison étant que je me sentirais mal par après, je le savais, je le sentais. Soupirant doucement, je tentai de dire:  « Les tremblements c’est un signe de manque, Kayden… Il peut y avoir d’autres raisons, mais dans le cas présent… » Bon d’accord, peut-être avais-je été quelque peu direct, peut-être un peu trop même, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre autrement. Tout ce que j’espérais pour le coup, c’était que Kayden veuille bien m’écouter et surtout, qu’il comprenne que je ne voulais pas jouer les méchants, mais seulement l’aider, rien de plus.

Je ne disais pas qu’ici et maintenant, Kayden était en manque. Je disais simplement qu’il ne pouvait pas considérer des tremblements comme étant un signe banal, sauf s’il avait froid, ou bien qu’il était nerveux pour un truc. Froid, ce n’était presque pas possible et en mon sens, je ne lui donnais pas de quoi être nerveux, mais bon, peut-être que oui, je n’en savais trop rien. Ce que je savais par contre, c’était que clairement, il était énervé contre moi, parce que je ne semblais pas le croire, parce qu’il ne voulait pas écouter ce que j’avais à lui dire… Devant ses grondements signifiant son énervement à mon égard, je ne répondis rien, sachant bien que ça ne valait pas le coup de rétorquer de quelconque façon. Qu’est-ce que ça apporterait de toute façon ? Une série d’arguments qui ne servirait à rien au bout du compte. Silencieusement, je le laissai ce que je pensais être se défouler, me disant que peut-être cela pourrait lui faire quelconque bien. Après, qui étais-je pour le savoir ? Oui, je pouvais savoir qu’il y avait des moments de frustration, mais après, je n’étais pas un expert, ce qui me faisait soudainement regretter d’avoir lancé cette discussion, mais bon, il était un peu trop tard pour faire marche arrière. Inspirant profondément, je fus soudainement partager entre le fait de prétendre que je devais servir d’autres patients et quitter la chambre, ou bien répondre à ce que Kayden dit par la suite. La seconde option me sembla la plus plausible et polie, j’inspirai profondément, puis j’affirmai:  « Je ne prétends pas tout savoir, crois-moi… Mais j’ai vécu une situation assez similaire pour savoir certaines choses, voilà tout. » Compte tenu qu’il m’avait dit n’en avoir rien à faire, je n’allai pas plus loin dans mes explications, attendant simplement de voir comment il allait réagir avant d’ajouter quoi que ce soit.

Au bout du compte, alors que je commençais sérieusement à songer au fait que je n’étais pas le mieux placé pour tirer quelconque confession du jeune homme, ce dernier se décida finalement à accepter le fait que oui, il consommait une fois de temps en temps. Face à cette confession, je décidai de garder une attitude neutre, me disant que ce n’était clairement pas le moment de sourire de satisfaction ou un truc du genre, même si je ne pouvais m’empêcher de me sentir effectivement satisfait face au progrès que le jeune homme venait de faire, en mon sens en tout cas. Après, je ne disais pas que cela réglerait tous ses problèmes concernant son addiction, mais l’acceptation en soi était un bon début, semblait-il. Bien sûr, l’idéal aurait été qu’il en parle un peu plus, mais puisque je sentais que ce n’était pas à moi de lui forcer la main, je ne dis rien. Heureusement d’ailleurs, puisque quelques instants après, Kayden fit partir son discours dans une direction bien différente de ce que je pensais. En plus de me laisser surpris à la fin de ses dires, il me laissa particulièrement inquiet aussi. Voilà pourquoi mon visage vint à se décomposer progressivement, pour prendre une expression sincèrement inquiète, un air fermé qui donnait l’impression que je ne saurais dire quoi que ce soit de plus. Heureusement, je trouvai quand même le moyen de reprendre la parole au moment où il me demanda d’être discret par rapport à cela. L’idée ne me mettait pas totalement à l’aise, mais parce que je me disais que c’était que là une base de respect, je hochai la tête et je dis:  « Oui, bien sûr… » Je savais très bien que j’aurais pu conclure mon propos sur ces simples mots, mais parce que Kayden était mon ami et que je ne me voyais pas rester là à ne rien faire, ne rien dire - à lui, on s’entend - je finis par demander, avec timidité:  « Mais tu… Tu as déjà songé à aller voir un médecin ? »

Si l’état de Kayden avait dépassé la simple addiction à la drogue et l’alcool, pour sûr, ce n’était pas dans ce centre de désintoxication qu’il allait trouver la totalité de ses moyens et son bien-être. Enfin, pour sûr, ils pouvaient l’aider à moins consommer, voire plus du tout dans l’idéal, et qu’importe la raison, ça ne pourrait que lui faire du bien, mais après, l’intervention d’un médecin, selon ce que je pouvais constater, était à ce point nécessaire, même si ce n’était que pour poser un diagnostic et ne pas laisser Kayden dans l’abstraction. Mais ça, c’était s’il le voulait, évidemment, et selon ce que je pouvais constater depuis plusieurs minutes, ce n’était pas chose totalement simple, le faire changer d’avis. Histoire de ne pas m’embrouiller avec lui donc, je me contentai de simplement l’écouter m’expliquer qu’il ne voulait pas nécessairement voir un médecin de peur que la nouvelle s’ébruite, que ce soit aux oreilles de son paternel ou bien toute autre personne qui pourrait lui causer du tort. Je n’avais jamais été aux prises avec une telle situation, mais je pouvais quand même deviner que cela ne fasse pas plaisir, d’où le fait que je ne passai aucun commentaire, même persuadé que le sujet allait être clôturé à ce moment précis. Et pourtant, ce ne fut pas le cas. Au contraire, Kayden ne me parut pas vraiment complètement désintéressé à cette idée, cherchant juste quelqu’un qui pourrait discrètement s’occuper de lui. Ce n’était pas chose simple, on ne pouvait pas le nier, d’où le fait que je me permis de soupirer légèrement en passant ma main dans mon visage, même si bien sûr, je ne voulais pas baisser les bras, lui dire non et m’en sortir ainsi. Inspirant profondément, je décidai de lui dire plutôt:  « Je n’en connais pas personnellement, mais… » Il fallut que je m’arrête un instant, parce que je sentais que j’allais peut-être briser son désir de n’en parler à personne. Par contre, cette personne à qui je devrais en parler, c’était probablement la personne en qui j’avais le plus confiance au monde, donc je me lançai, et je demandai:  « Si tu me permets… Je vais en toucher un mot à mon père, je crois qu’il serait capable de trouver quelqu’un et ne pas en parler à qui que ce soit. » Après tout, c’était lui qui avait trouvé quelqu’un pour m’aider dans ma désintoxication et ce, sans que quiconque le sache au lycée. Je ne disais pas que c’était garanti, mais disons qu’il avait plus de chances de trouver que moi-même, c’était sûr et certain.

Kayden s'était mis à fixer son ami avec un air concentré sur le visage et pour enfin savoir ce qu'ils pourraient éventuellement faire pour lui trouver quelqu'un qui s'occuperait de son cas, tout cela en étant bien entendu discret. Au départ, entendre Elian parler d'appeler son père pour que ce dernier en parle à un médecin lui fit froncer les sourcils, avant de se dire qu'après tout, si cette proposition lui était faite, l'homme devait être capable de ne pas ébruiter l'affaire et sa propre famille n'allait pas en entendre parler dans ce cas. Incertain au départ, le plus jeune finissait donc par prendre la parole une fois qu'il avait eu le temps de réfléchir à la proposition, au lieu de se braquer comme il en avait parfois l'habitude.

« Si tu estimes qu'il est capable de faire ça sans ébruiter l'affaire, je suis d'accord. Surtout que je peux pas laisser les choses s'aggraver... autrement ça va finir par être vraiment voyant, et pour le planquer, ce sera carrément plus difficile. »

Alors que là, la chose était encore soft et il pouvait trouver des excuses, mais sans doute pas pour longtemps, la preuve en était que ce soir, il n'avait clairement pas été capable de s'en tirer sans se retrouver ici. Il détestait vraiment les coups du sort.

« Et sinon... je suis trop optimiste si je pense que tu vas me laisser sortir de là du coup ? Comme je t'ai dis, je dois vraiment rentrer pour m'occuper de Jamie, et j'ai pas envie de trouver une excuse pour expliquer mon absence. »

Et de rajouter, un petit sourire aux lèvres parce qu'il avait vraiment besoin d'un changement de sujet qui soit plus agréable que la raison de sa présence ou des cas médicaux qui plombaient l'ambiance.

« Au fait, tu as des nouvelles de David ? J'ai entendu dire qu'il venait aider ici, mais j'ai pas encore vu monsieur sexy depuis que je suis arrivé... ils pourraient au moins s'arranger pour que les gens intéressants soient là aujourd'hui... sauf toi bien entendu, toi c'est pas pareil hein ! »

Considérant le fait que jamais je n’aurais fait une telle proposition à Kayden si je n’étais pas persuadé que mon paternel pouvait s’en occuper et ce, de façon discrète, je ne pus que réitérer ma confiance envers mon père lorsqu’il imposa de nouveau cette condition, lui assurant par ce simple geste que oui, j’étais persuadé qu’il était en mesure de le faire sans trop ébruiter la chose. Plus encore, pour prouver mon point, j’aurais pu limite lui dire que moi-même, j’avais eu droit à ce genre de traitement, que personne, outre les gens à qui j’en avais parlé, n’avait été mis au courant de mon addiction quand j’étais adolescent. Cependant, je ne le fis pas, puisque le jeune homme reprit rapidement la parole, en venant à réitérer sa demande de sortir de ces lieux en disant qu’il devrait aller s’occuper de son fils. Malheureusement, malgré la discussion que nous venions d’avoir, cela ne faisait pas vraiment augmenter mon pouvoir de ce côté auprès des gens qui, eux, étaient les véritables experts. Soupirant légèrement, parce que cela ne me faisait pas plaisir de m’opposer de la sorte, je passai une main sur mon visage, et au bout du compte, je lâchai:  « Je vais voir ce que je peux faire. » Après tout, qu’est-ce que cela me coûterait en fait ? Pas grand-chose, simplement une discussion et après, ce serait hors de mon pouvoir. Au moins, je ne pourrai pas me blâmer de ne pas avoir fait mon mieux pour le coup. Par contre, je me montrai quand même soulagé que Kayden change de nouveau le sujet de la discussion, m’arrachant cette fois-ci un rire sincère pendant un moment. Puis, lorsque je me fus calmé, je me permis de lui répondre:  « Malheureusement non. » Puis, comme si je voulais lui montrer que je n’avais pas mal pris son commentaire, surtout que je n’avais aucune raison de mal le prendre, j’ajoutai:  « Je t’avoue que ça fait un moment que je ne suis pas venu ici. En fait, c’est la première fois en plusieurs mois même… » Puis, je m’interrompis au moment où je me rendis compte que j’étais sur le point de dire que j’étais limite tombé sur une bonne journée, me doutant bien que ce n’était certainement pas cela que le jeune homme voulait entendre en ces circonstances, même si moi, de mon côté, j’avais été, malgré la situation, content de le revoir, puisque mine de rien, cela faisait longtemps, et ça m’avait manqué, de ne pas le voir.

Le point santé étant réglé – dit comme ça, on pourrait penser à une émission médicale – Kayden affichait un petit sourire satisfait en se disant que déjà, ce problème pourrait être réglé d'ici quelques temps avec l'aide de son ami, et du père de ce dernier. Après, cela ne voulait pas dire qu'il allait pouvoir s'en aller d'ici si facilement. Si Elian était plus du genre à le croire, le personnel de ce centre n'allait peut-être pas être de cet avis et le plus jeune espérait réellement que tout finirait tout de même par rentrer dans l'ordre d'une manière ou d'une autre. Disons qu'être pris pour le toxico du coin – même quand il y avait une part de vérité – ce n'était pas forcément jouasse.

Puis ils en étaient venu à un sujet bien plus joyeux quand même, à savoir David et le fait que pour le fils Carpenter, il soit le 'monsieur sexy' du coin, qui n'était apparemment pas aux abonnés présents ici non plus... too bad. Enfin... si Elian revenait pour la première fois depuis des mois, cela pouvait se comprendre en même temps.

« On devrait lancer un avis de recherche... tu crois qu'ils ont un micro, tu sais genre pour appeler leurs collègues et tout... ? On leur pique et on appelle David, soit jusqu'à ce qu'il rapplique, soit jusqu'à ce qu'on vienne nous dire qu'il n'est pas là ? »

Et il en était capable, surtout quand il avait envie de faire l'idiot. Ce qui était, en effet, présentement le cas.

« Aller, et puis... si je suis vraiment le patient lourdingue, ils vont forcément me libérer d'ici ! »

Autant joindre l'utile à l'amusant après tout.

Heureusement, le fait que je m’étais volontairement interrompu dans mes propos ne sembla pas trop paraître dans la discussion. Mieux encore, changer de sujet de la sorte, en oubliant le fait que je n’avais pas pu venir en ces lieux pendant un bon moment en raison du travail qui me prenait beaucoup trop de temps, avait semblé faire en sorte que Kayden retrouve un certain enthousiasme, en venant à faire des plaisanteries similaires à des plans quelque peu diaboliques qui, dans un premier temps, m’arrachèrent un sourire amusé. Je voyais bien de quoi il voulait parler, ce genre de micro, et je m’imaginais quelque peu la scène. Par contre, je me doutais bien que cela ne soit pas possible. Ce n’était pas vraiment un hôpital, mais une clinique de réhabilitation, alors pour sûr, une voix projetée par un micro dans des hauts parleurs de qualité quelque peu douteuse, ça aurait pour effet d’être agressant, à mon avis, en tout cas. Mais bon, puisque cela semblait amuser le jeune homme, je ne dis rien, jusqu’au moment où il supposa de nouveau, visiblement à la blague encore une fois, que si jamais il devenait trop insistant, ils le laisseraient sortir. Trop peu convaincu que c’était ainsi que ça marcherait, malgré toute sa volonté de vouloir voir le monde extérieur, ou juste être hors de cette chambre, de ces murs, je demeurai quelque peu perplexe, sans perdre mon sourire pour autant, histoire de ne pas attiser les soupçons. Puis, une fois que j’eus un peu plus réfléchi à ce que je pourrais dire, je répondis:  « Je crois pas que c’est comme ça que ça marche. » Mon ton de voix n’avait rien susceptible de croire à un reproche, quoi que ce soit du genre. Mieux encore, parce que je voulais quand même aider mon ami, même si cela ne pouvait pas se résumer à le faire sortir de ces lieux, j’ajoutai:  « Après y’a rien qui m’empêche de poser la question à la réception le concernant. » Enfin, même Kayden pourrait le faire lui-même, mais ça, je me dis que ce n’était pas essentiel de le lui proposer dans l’immédiat.

Kayden était bien des choses, et têtu entrait clairement dans la liste de ses défauts, si bien que même en lui affirmant qu’il n’allait pouvoir se barrer aussi facilement, son esprit trouvait assez rapidement un autre plan. Pas de faire payer son père, il n’était pas en prison, donc pas de caution à payer, mais autre chose, qui tenait plus du compromis, alors que Elian se proposait tout de même à aller poser la question à une personne qui était sans aucun doute mieux placée pour décider de le faire partir ou non, et vu comme son téléphone n’arrêtait pas de vibrer pour signaler un nouveau message, inutile de dire que la situation devenait pressente, parce que là… à moins de dire qu’il avait été enlevé par des extraterrestres, il ne voyait pas quoi répondre pour expliquer son absence.

« Quand même, tu te rend compte que les flics sont moins difficiles quand ils te foutent en dégrisement ? Quelqu’un vient te chercher, on en parle plus. En fait, c’est pire que la taule ici ! »

Il fallait bien ironiser un peu de toute manière, manquerait plus qu’il se mette à pleurer juste pour ça… ce qui était arrivé lors de sa dernière cuite. Vous connaissez le coup des chiens qui ont peur quand ils ont un vent ? Il avait eut peur de ça aussi, et s’était mis à chialer comme une fillette, ce qui était même insultant pour les petites filles tout bien pensé.

« Mais au pire, dit leur que j’suis ok pour que quelqu’un vienne vérifier de temps en temps chez moi qu’il n’y a rien, même par surprise vu que j’ai rien à cacher, si ça peut assurer. Tu peux même être mon Sam, ce sera l’occasion pour que tu vois Jamie et en plus, t’es sérieux dans ton boulot ici, ils viendront pas dire que tu ment juste pour m’arranger, et je sais aussi que c’est pas dans ton caractère. »

Quel intérêt aurait-il à proposer ça autrement ? Sans compter qu’avec un gamin à charge, seul un idiot ou un irresponsable laisserai traîner de la came.

Je ne fus pas vraiment prêt à dire que se faire mettre en prison pour dégriser soit vraiment mieux que d’être dans un centre de désintoxication. Évidemment, cela durait moins longtemps, moins de gens s’acharnaient, mais c’était parce que bien souvent, la personne qui était prise sur le fait ne comptait pas vraiment aux yeux des policiers, puis des gardiens une fois arrivé au commissariat. Ce n’état pas une méchanceté, cette affirmation, mais une vérité; ces gens, ils doivent gérer avec un paquet de cas à chaque jour, pour sûr, ils n’allaient pas s’attarder sur le bien-être d’une personne arrêtée pour trouble sur la voie publique ou quelque chose du genre, et c’était parfaitement compréhensible. Ici, le bien-être de cette dite personne était la priorité, et même si cela semblait pénible, au final, c’était le mieux. Enfin, là n’étant que mon avis, cet avis venant contredire de toutes parts celui de mon ami, d’où le fait que je le gardai pour moi-même. Et puis, j’avais bien vu que Kayden semblait particulièrement ironique sur la question, faisant en sorte que ça ne valait pas le coup d’argumenter sur la question à mon avis. De toute façon, j’en serais venu à l’interrompre, puisque peu de temps après, il en vint à me faire une suggestion sommes toutes raisonnable au niveau de la bonne volonté, mais qui me laissa tout de même quelque peu perplexe, puisque j’ignorais totalement si je pouvais l’accepter ou pas. Pourquoi ? Parce que j’étais que simple bénévole, très loin d’être spécialisé en la matière pour des visites à domicile. Je servais les repas, et c’était pas mal tout ce que je faisais. Parfois, j’écoutais certains patients raconter leurs déboires, mais je n’avais pas les compétences requises pour les aider autrement qu’en étant une oreille attentive. Légèrement pris au dépourvu, parce que clairement, je voulais aider mon ami, je soupirai, puis je passai une main dans mes cheveux avant de dire, dans un rire quelque peu nerveux:  « Tu sais, j’ai pas besoin d’être envoyé par le centre pour venir te payer des visites, n’est-ce pas ? » Je savais très bien que pour le coup, ce n’était pas l’idéal pour me tirer d’affaire, mais pourquoi pas ? Évidemment, il me faudrait avoir le temps pour le faire, mais si j’avais trouvé quelques heures à offrir au centre, probablement que je pourrais en trouver pour aller visiter Kayden une fois qu’il irait mieux ?

Je ne fus pas vraiment étonné que Kayden me fasse un commentaire par rapport au temps que j’avais à lui consacrer, et surtout le fait que je n’étais pas allé lui payer une visite il y a un bon moment de cela alors que je le croisais en ces lieux. Il fallait dire que d’une certaine façon, même si je compris plus tard qu’il disait cela nécessairement en blague, je le méritais. Il était vrai que j’avais eu trop peu de temps à consacrer à mes amis, à mes passe-temps, voire même au bénévolat que je faisais en ces lieux en temps normal. Et malgré le fait que j’avais bien compris qu’il plaisantait, je crus quand même bon de lui dire, très sincèrement:  « Je suis désolée, c’est le boulot, ça m’a pris un temps fou depuis que j’ai pris la direction du club. » Je décidai toutefois de m’en tenir à ce niveau concernant mon explication pour le moment, me disant que celle-ci résumait l’essentiel. Et puis, je me doutais bien que Kayden comprendrait qu’une transition comme celle-ci ne se faisait pas simplement. En effet, celle-ci avait pris un temps d’adaptation, même si mon père avait pris beaucoup de temps pour tout m’expliquer. Heureusement, à présent, je me sentais plus à l’aise, et mieux encore, j’avais réussi à alléger mon emploi du temps en embauchant une assistante. Évidemment, je ne lui donnais pas la totalité du boulot pour me la couler douce, mais c’était suffisant pour me donner un peu de temps pour moi, et clairement, je ne m’en plaignais pas. Je m’étais rendu compte sitôt que j’avais mis les pieds en ces lieux que le bénévolat m’avait manqué, et plus encore, j’avais pu y croiser Kayden, même si ce n’était pas dans les circonstances les plus idéales qui soit, surtout pour lui. Et je devais admettre que cela commençait à me laisser quelque peu décontenancé pour le coup, parce que même si je fréquentais cet endroit depuis un petit moment, pour venir filer un coup de main, je ne connaissais pas les réponses à tout, et cela ne me mettait pas dans une position confortable. Sachant trop peu quoi lui dire, je me contentai de simplement hausser les épaules, et dire:  « Je ne sais pas. C’est à toi de voir si tu veux vraiment trouver une excuse ou si tu préfères… » Je marquai une pause, quand je me rendis compte que mon propos pourrait s’avérer délicat, et j’ajoutai:  « Accepter la situation. », regrettant aussitôt de m’être aventuré sur ce que j’étais persuadé être une pente dangereuse. Peut-être ferais-je mieux pour le coup de quitter les lieux, afin qu’on ne pense pas que j’étais en difficulté ou quelque chose du genre ? Je ne savais pas trop à ce point, même si je n’étais pas fier de penser ainsi, bien loin de là.