Denial - Dayton

Comme d'habitude, Ice Evans se leva à 10:30 avec une super gueule de bois. Mais rien ne l'empêchait de prendre un verre de tequila, la tête encore ballante. Ainsi soit-il. Après ce verre, elle enfila un de ses hauts blanc préférés ainsi qu'un jean moulant sans oublier ses escarpins. Elle avait toujours pour habitude de bien s'habiller même quand elle était mal. Heureusement pour elle d'ailleurs. Cela faisait maintenant 3 ans que celle-ci était dans la période du déni d'après les psy. Mais pour cette mère, rien ne pouvait la faire basculer dans la réalité. Même pas sa famille adoptive, même pas ses amis, rien ni personne. Quand à ceux qui se présentaient à la bibliothèque. Eux c'était les pires, elle les haïssait tous. Mais elle adorait son job et puis il fallait payer les factures.
Ice attrapa le volant de la voiture tout en grillant un ou deux feux rouges et en attisant la haine d'un ou deux piétons. Arrivée à la bibliothèque en titubant quelque peu, elle s'affala sur le fauteuil vide de l'entrée afin de masser sa tête. C'était encore un des inconvénients de l'alcool. La journée venait à peine de commencer qu'un emmerdeur se pointait déjà. D'habitude le matin il n'y avait personne. En plus ce n'était même pas un rat de bibliothèque, elle ne l'avait jamais vu. C'est fermé aujourd'hui dit-elle sèchement

Dayton Carpenter s'était pour la première fois levé assez tard : 8h30 mais il n'abandonnait pas pour autant ses vieilles habitudes. A peine réveillé, il dévala les escaliers deux par deux afin de se rendre à la cuisine. Il fit quelques pas donc jusqu'à la corbeille à fruit et prit un fruit au hasard : aujourd'hui c'était une pomme. Après l'avoir mangé, il s'habilla d'un simple T-shirt et d'un short noir afin de courir à South Side. En passant devant la bibliothèque, il faillit se faire écraser par un fou-à-lier ou alors un alcoolique qui avait grillé un feu rouge. Tous les autres piétons qui étaient dans le même cas que lui gueulaient "Hey apprend à conduire !" Ce qui n'étais pas son cas, il était de bonne humeur aujourd'hui.

Il recommença sa course jusqu'à tomber encore une fois sur cette voiture qui se garait cette fois. Elle laissait entrevoir une silhouette de femme assez mince et élégante. Ce chauffard était donc une chauffarde. Elle titubait devant lui afin d'entrer dans la bibliothèque. Il la reconnaissait alors : c'était la bibliothécaire. Celle dont toute les commères parlaient à Sidebay. Certains disaient qu'elle avait perdu pied à cause de son petit ami, d'autres disaient que c'était une strip-teaseuse et une briseuse de ménage, d'autres affirmaient carrément qu'elle avait perdu un fils. Mais Dayton n'était pas quelqu'un de curieux.

Il voulait l'aider mais il comprit rapidement que c'était les effets et les conséquences de la gueule de bois qu'elle subissait. Il prit alors son courage à deux mains afin d'entrer dans la bibliothèque. Il s'approcha de la jeune femme avant de se faire recaler par celle-ci sèchement. Pourtant c'est écrit que le jeudi c'est ouvert et il est 11:00, dit-il d'une voix agréable, Vous auriez de l'eau s'il vous plait ? acheva-t-il en esquissant un simple sourire

En effet elle lui avait menti pour avoir la paix. Mais elle n'avait pas prévu que l'inconnu soit aussi perspicace, alors elle était tout d'abord honteuse puis elle utilisa la seule façon qu'elle connaissait pour détendre l'atmosphère : l'ironie. Ironie et Ice étaient meilleures amies quand elle n'était pas complètement à l'ouest à cause des produits illicites qu'elle consommait. Pardon mon beau monsieur, bienvenue dans cette magnifique bibliothèque ! Vous voulez des magasines porno ? C'est au troisième rayon à droite, dit-elle d'un ton satirique. Puis l'homme reprit la parole en demandant de l'eau. Qui demanderait de l'eau à une bibliothécaire ? Elle ! Pas de l'eau mais de l'alcool. De toute façon, pour elle l'eau c'était de l'alcool. Néanmoins le mystérieux inconnu l'intriguait. Vous venez dans une bibliothèque pour demander de l'eau ? demanda-t-elle d'un ton adouci. Mais elle ne prit pas la peine d'écouter sa réponse.
Elle s'appuya sur l'épaule de l'inconnu afin de se relever sans la moindre gêne puis elle fit quelques pas jusqu'au bureau d'une des autres bibliothécaires qu'elle n'aimait pas afin de lui prendre une bouteille d'eau. Elle refit le même parcours toujours en zigzaguant puis tendit la bouteille d'eau à l'homme.

Ce qui était sûr c'est qu'elle faisait forte impression. A présent, il comprenait pourquoi elle alimentait les rumeurs de tant de gens. Il voulait lui expliquer la raison mais elle ne l'écoutait même pas ! Alors Dayton commença à s'énerver et pourtant il se calma directement tout simplement parce qu'elle l'intéressait et qu'il ne voulait pas gâcher cette rencontre. C'était la première fois qu'il voyait une fille pareille. Il la laissa faire quand elle eut besoin de son épaule pour se relever. Il l'observait faire quand elle prit une bouteille sortie du bureau d'une autre secrétaire. Comment il avait su que cette bouteille n'était pas à elle ? Tout simplement parce qu'elle n'avait pas une tête de boire seulement de l'eau pour être ivre. Bref, elle était très spéciale et il aimait les gens très spéciaux. Une fois qu'elle lui tendit cette bouteille d'eau, Dayton posa sa main sur la sienne. Elle est pour vous, l'eau ça aide pour les gueules de bois. Ah et je suis venu dans cette bibliothèque parce que vous avez tenté de m'écraser, dit-il d'un air neutre tout en la fixant.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu un fou rire. Ses parents étaient toujours là pour lui rappeler que Nathan était mort mais elle, elle s'en foutait. Elle voulait s'amuser. Et cet inconnu avait compris enfin son désir le plus profond : rire. Quand il dit qu'elle avait failli l'écraser, un sourire déforma son visage puis elle éclata en sanglot tellement elle avait ri. C'était un rire ridicule qu'elle tenait de son père biologique : celui d'une chèvre. AhahHehebehehe, voilà un résumé. Mais elle n'avait pas l'intention de s'excuser ou autre. Au contraire, c'est lui qui devrait s'excuser de traverser une route, il l'avait gêné !
Ensuite, elle reprit son sérieux quelques instants en portant la bouteille jusqu'à ses lèvres et avala quelques gorgées de cette eau qui n'avait aucun goût. Elle détourna ses yeux vers lui pour le fixer aussi Je vous aime bien, vous comptez m'embrasser quand ? Ice n'aimait pas parler avec les gens, surtout pour faire connaissance. Elle était très spontanée de ce côté là. En plus ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas envoyer en l'air même si l'homme était trop vieux pour elle.

La jeune femme avait ponctué sa phrase par un rire vraiment étrange. Au début, il ne comprenait même pas pourquoi elle rigolait jusqu'à réfléchir au degrés de stupidité de la situation. Alors il se mit à rire avec elle tout en la dévorant du regard. Il analysait chaque parcelle de son corps quand elle buvait. Elle était jeune et c'était un pur fantasme d'observer ses courbes si proches et si inaccessibles. Puis elle lui posa cette question. Quoi ? Oui.. Je.. Non.., puis il respira un peu plus longtemps, Je ne sais pas quoi répondre, acheva-t-il. Puis il finit par approcher son visage dangereusement de la femme qui aurait pu être. Après, Il posa ses lèvres contre les siennes afin de l'embrasser fougueusement. Et enfin, il l'attira contre le rayon "Livres pour Enfants" tout en passant sa main sous le T-shirt de l'inconnue afin de caresser son bas-ventre.

Mais qu'est-ce que tu fous Day ? pensait-il. Il allait trop loin cette fois, elle devait avoir quoi ? 20 ans ? Il en avait 37. Et puis ils ne se connaissaient même pas Désolé mais non, je peux pas. T'es trop jeune pour moi et puis on ne se connaît pas. C'est pas raisonnable.
Malgré tout, il voulait la revoir parce qu'elle dégageait quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. Je connais un bon resto. On pourrait discuter

Plus elle le regardait, plus elle le trouvait séduisant. Et plus il attendait, plus elle en avait envie. Elle finit par se jeter sur lui tout en lui murmurant Ferme la Une fois qu'il l'embrassa, elle prolongea ce baiser et se laissa faire en se donnant complètement à lui. Il la poussa contre le mur, ce qui était assez excitant, surtout qu'elle était à côté des fables de La Fontaine. Quand il caressa son bas-ventre, elle dégagea ses lèvres pour embrasser son cou. Puis il arrêta. Comme ça. Sans explication.
Ice était à la fois frustrée et irritée. Quel salaud.
Et alors ? Si mon âge te déplaît tant que ça. On a qu'à dire que j'ai 40 ans aujourd'hui. Il continua encore à parler et parler et parler. Il ne comprenait pas qu'elle voulait seulement s'amuser. Rectification : elle voulait s'amuser jusqu'à ce qu'il prononce "C'est pas raisonnable". Pendant un seul instant, elle croyait revoir Chase qui adorait la faire enrager avec ça. Son système d'auto défense se ré-inclencha instantanément : l'ironie. Oui, allons dans un beau resto et après on baisera dans les cuisines au lieu d'une étagère de livres pour enfants. Viens me chercher à 18:30 et ne sois pas en retard. Enfin elle se détacha de lui, pour se diriger dans la réserve avec un sourire forcé qui bordait ses lèvres.

Il fut tout d'abord surpris par la réaction de celle-ci : elle passait de l'irritation à je ne sais pas trop quoi en réalité. C'était la première fois qu'elle le laissait vraiment parler et qu'elle l'écoutait presque malgré sa gueule de bois dévastatrice. Elle paraissait complètement différente. C'était peut-être une bipolaire ou une schizophrène, qui sait ? En tout cas, ce qui était sûr, c'est qu'elle cachait bien quelque chose et il fallait le découvrir. Ok je serai là acheva-t-il tout en la laissant partir vers la réserve. Elle affichait un drôle de sourire forcé. Alors, il fit quelques pas vers la réserve en la suivant de loin. Arrivé à la porte, il entendit quelques tintements de bouteilles ou de verres. Il voulait ouvrir pendant quelques instants mais la porte en fer était fermée à clef donc il se résolut à quitter la bibliothèque, les mains dans les poches, un large sourire dessiné sur son visage. Il rentra chez lui en gardant un souvenir très étrange de cette rencontre. Elle l'avait intrigué fortement et du coup il voulait en savoir plus. Pas par les commères mais par elle. Qui était cette bibliothécaire ? Pourquoi avait-elle plongé aussi bas ? A-t-elle une famille ? Toutes ces questions demeuraient sans réponses. Mais pas pour longtemps. Du moins c'est ce qu'il avait entreprit discrètement.