Jamais, je n'aurais cru... - CAILEE & HUNTER

C’était l’heure du souper et Hunter Jasper Morrow avait décidé de passer dans un petit restaurant pas trop cher pour déguster un bon repas. Il fallait dire que depuis toujours, la cuisine gastronomique n’était certainement pas sa tasse de thé ; ce qui expliquait pourquoi malgré le menu varié, l’homme préféra opter pour un bon vieux burger garni accompagné de frites. Lorsqu’il eut mangé une bonne partie de son assiette, le jeune arnaqueur reçut un appel de la police qui stipulait qu’il devait se rendre le plus vite possible à l’hôpital de Sidebay. Qu’ils venaient de retrouver l’élue de son cœur la belle Cailee Hastings qui était portée disparue depuis 20 ans déjà. « Putain de merde. » Fut les seuls mots qui sortirent de la bouche du jeune homme qui avala la frite qu’il avait en bouche de travers. L’homme raccrocha sans attendre et quitta le restaurant en douce sans avoir payé. Il sauta à bord de sa camionnette et roula à toute vitesse jusqu’à l’hôpital ; par chance, aucune police ne passait par là. On le conduit jusqu’à la chambre de Cailee qui faisait encore des tests. On informa Hunt qu’il devait attendre quelques minutes, ce qui l’amena à tenter de rejoindre Sebastian qui selon son patron, était sortie avec la dépanneuse ; surement était-il dans les bois, donc ne captait aucun réseau. L’homme tremblait de tous ses membres, il franchit finalement la porte de la chambre de Cailee qu’il finit par reconnaître dans son lit. Elle avait vieillit, réellement, ses traits étaient les mêmes, mais ce n’était plus la gamine qu’il aimait au lycée. Les mots qu’il avait toujours le don de bien placer ne lui vint pas. « Shit… tu es .. là. » Dit-il, les bras qui lui longeaient faiblement le long de ses jambes.

Cailee était quelque peu désemparée. Cela faisait quelques heures qu'on l'avait retrouvée après qu'elle se soit enfuie ; son esprit n'était pas encore totalement alerte et conscient de ce qu'il se passait autour. Dans sa chambre blanche, entourée de machine, la couverture sous laquelle elle s'était mise ne semblait pas beaucoup la réchauffer. On lui demandait un nom, quelqu'un à contacter. Elle pensa murmurer le nom de son frère, mais c'est celui d'Hunter qui sortit. Elle ne s'en rendit pas compte immédiatement, la tête toujours ailleurs. Elle était revenue.
En dépit de tout ce qui lui était arrivée, elle était revenue. Vivante. Alors que les médecins s'affairaient autour d'elle pour effectuer des tests, elle se contentait de suivre les instructions. Ce n'est pas que Cailee n'arrivait pas à réagir - c'était qu'elle ne savait plus comment faire. Être entourée d'autant de gens après vingt ans seule... elle ne savait plus quoi faire.

Et soudain, elle sentit son coeur battre un peu plus et sa respiration s'accélérer. Une ombre passa devant sa chambre et c'est la voix qu'elle reconnut - un peu plus grave, mais toujours la même. Ses yeux dérivèrent vers ce visage qu'elle reconnut immédiatement. « Hunter ? » Ses pieds la guidèrent hors du lit, quand bien même les médecins lui ordonnaient de rester immobile. Elle voulut le prendre dans ses bras, mais cela lui aurait fait bien trop mal ; beaucoup de contusions recouvraient encore son corps. « Qu'est-ce que tu fais là ? »
La seule question qu'elle pouvait lui poser. Elle se rappelait pourtant avoir donné le nom de son frère. Elle se détestait d'apparaître comme ça devant l'homme qu'elle avait toujours aimé.

Hunter resta figé un moment dans l’embrasure de la porte. Il fixait la brunette et analysa chaque détail de son visage, de son corps qui lui revenait peu à peu à l’esprit. Malgré les quelques photos qu’il conserva depuis sa disparition, rapidement, le visage et les traits de Cailee finirent par disparaitre de son esprit, laissant un vague souvenir de ce qu’elle était. Jamais, Morrow n’aurait voulu perdre en mémoire le visage du grand amour qu’il avait toujours entendu, mais le temps faisait étrangement les choses. Face à la réaction de la brune qu’il vit sauter du lit et s’avancer vers lui, Jasper serra les dents, tentant de ne pas trop démontrer les sentiments qui se bousculaient dans son esprit. « On… On m’a appelé. » Dit-il doucement, ne sachant pas comment s’y prendre avec elle. Au moins, Hastings le reconnut, ce qui était un bon début. La rage gonflait dans son abdomen, il avait besoin de savoir ce qui lui était réellement arrivé et qui était le cinglé qui l’avait séquestré durant tant d’années. Peut-être n’aurait-il pas autant mal tourné si Cailee aurait resté près de lui. « Mon dieu… » dit l’homme en s’avançant d’un pas, tendant la main vers le bras parsemé de blessure de son ancienne petite-amie.

Elle ne savait pas quoi faire. Les réactions manquaient et son esprit était saturé des souvenirs qu'elle partageait avec lui. On l'avait appelé. Cailee se rendit compte que, peut-être de manière inconsciente, il avait été la première personne à laquelle elle avait pensé en sortant de là. Elle se sentit soudain très égoïste et eut un pincement au coeur en pensant à son frère. Bien vite, ce sentiment fut néanmoins oublié. Cela passa d'abord par la sensation de brûlure qu'elle ressentit lorsqu'un médecin lui toucha le bras pour lui demander de retourner dans son lit. Dans un brusque mouvement, elle le retira et le rapprocha de sa poitrine, loin de tout contact étrange. Ensuite, Hunter fit un pas en avant.
Elle fit un pas en arrière. Ce n'est pas qu'elle avait prévu de refuser tout contact humain - c'était qu'elle ne savait plus comment y réagir. Pendant vingt ans, tous les contacts qu'elle avait reçu l'avaient blessée. Elle ne connaissait plus la douceur, les caresses.
Mais elle ne voulait pas évincer le seul homme en qui, en-dehors de sa famille, elle avait osé faire confiance. Pas après tout ce qu'ils avaient vécu, tous les deux. « Je suis désolée, je... » Les mots lui manquaient, elle ne savait pas comment dire les choses sans le blesser. Elle opta alors pour la franchise. « Je ne sais plus comment faire. Je ne pensais pas te revoir, tu sais. Je pensais que... Que je resterais là-bas. »

Et combien avait-elle besoin de ses bras autour d'elle, de ses mots réconfortants et de sa chaleur en cet instant ! Mais elle n'osait pas. Parce que la peur avait pris le dessus et qu'elle ne réalisait pas encore que son cauchemar était fini.

Comment devait-il agir aux côtés de la belle Cailee qui avait disparu depuis tant d’années maintenant. Hunt n’était plus le même gars qu’autrefois sans compter qu’il ne connaissait pas du tout l’histoire de son ancienne petite-amie. Qu’est-ce qu’elle avait vécu là-bas, enfermé je ne sais où ? Il s’imaginait les pires sévices, surtout en voyant l’état de son corps. Morrow ressentait l’angoisse dans sa voix et il souffrait intérieurement. Il hocha de la tête navré et laissa échapper un sourire réconfortant et compatissant. « Non… c’est correct. Je comprends. » Lui avoua-t-il. Il resta immobile un moment, préférant ne pas la choquer. « Tu … tu dois être épuisée… je n’imagine pas ce que ce putain de psychopathe t’a fait enduré… durant toutes ses années… » Il bouillonnait malgré tout intérieurement. Il s’en voulait beaucoup de ne pas avoir pu empêcher cela. « Tu m’as … manqué Cailee.. » Dit-il tristement, fuyant le regard de la brune.

Elle avait l'impression de rêver - ce n'était pas la première fois qu'elle avait imaginé revenir en vie dans cet endroit qu'elle avait toujours connu. Les mots d'Hunter étaient réconfortants ; ils l'avaient toujours été. Elle sentait sa colère, sa frustration mais elle refusait d'en tenir compte. C'était quelque chose qu'elle avait prévu, expliquer à tous ses amis que personne n'aurait pu empêcher ce qui lui était arrivé. Mais Cailee n'avait pas encore la force de rassurer les autres, bien trop occupée encore à reprendre ses esprits. « Tu m'as manqué aussi, Hunter. Vous m'avez tous manqué. » Sa voix était chevrotante, signe d'une émotion bien trop forte. Elle pensait à son frère, sa meilleure amie, Caleb et tous ceux qui avaient un jour croisé son chemin.
Les médecins ayant abandonné l'idée de continuer les soins quelques minutes au moins, elle alla se rasseoir sur son lit par peur que ses jambes ne cèdent. « Il va falloir que tu me racontes tout ce que j'ai manqué. J'ai l'impression d'avoir raté toute une vie, ici... » Elle n'avait pas envie de s'apitoyer sur son sort. Elle avait besoin d'être seule, pour cela ; de passer en revue tout ce qu'elle avait vécu pour enfin réaliser. « Toi... Tu vas bien ? » Cailee se sentait égoïste de ne pas demander des nouvelles de son frère. En réalité, elle voulait le voir et lui demander elle-même, maintenant qu'elle le pouvait.

Hunter cherchait ses mots depuis qu’il avait croisé le regard de celle qu’il avait tant espéré revoir. Il se croyait encore dans l’un de ses rêves qu’il fit si souvent dans le passé. Il se contraignait à refuser la réalité. L’amour de sa vie venait-elle réellement de réapparaitre en vie ? Était-ce possible ? Morrow ne contrôlait plus rien. Lui qui habituellement tentait de toujours avoir le dessus sur toutes les situations n’arrivait plus à comprendre. Tout lui échappait littéralement. L’homme fixait la brunette tristement, voyant que Cailee souffrait tout autant. Elle venait de perdre 20 années de sa vie, c’était horrible lorsqu’il y songeait. « Tout le monde va très bien, je .. je suis certain qu’ils seront tous, foutrement heureux de te revoir brunette… » Dit-il, en usant de surnom comme il l’avait toujours fait. « Tu es maintenant avec nous… tu auras tout le temps de rattraper ce que ce connard d’enfoiré t’a enlevé ! » Il prit son courage à deux mains et avança d’un pas pour posa une main sur le bras de Cailee, fixant son regard un long moment dans l’espoir qu’elle accepte son étreinte. « Tu es revenue… je suis heureux maintenant.... » lança-t-il dans un soupir de soulagement.

Sa voix. Des années qu'elle avait espéré pouvoir l'entendre à nouveau. Elle ne l'écoutait pas réellement parler, mais elle l'entendait et c'était assez pour se sentir presque chez soi. L'utilisation du surnom qu'il lui avait toujours attribué réveillait en elle de vieux souvenirs et elle se mit à sourire tendrement à l'homme qu'elle avait aimé. Elle ne s'étonnait pas de la colère d'Hunter, elle était même certaine d'avoir le même discours avec son frère, lorsqu'il viendrait la voir. Elle eut néanmoins un léger mouvement de recul lorsqu'il lui toucha le bras et, s'autorisant quelques secondes, elle s'ajuste à cette sensation qu'elle ne connaissait plus. Cailee savait qu'il n'osait pas aller plus loin et elle le comprenait ; elle-même n'était pas certaine de pouvoir le faire. Et pourtant... Il y avait cette force au fond d'elle, cette pulsion qui faisait surface. Doucement, elle s'approcha de lui et colla sa tête contre son torse, passa ses bras dans son dos et profita de la chaleur qu'il dégageait. « Si tu savais à quel point tu m'as tenue en vie, lorsque j'étais là-bas » murmura-t-elle. Sa voix avait toujours eu un effet rassurant sur la jeune femme et elle n'avait cessé de l'entendre. « Je compte sur toi pour tout me raconter, d'accord ? » Elle se détacha enfin de lui et planta son regard dans le sien. « Et quand je dis tout, je veux réellement tout savoir. Ca fait vingt ans, après tout. »

Hunter appréciait l’accolade qu’accepta de lui échanger Cailee. Il ferma un moment – qui lui parut une éternité – respirant l’odeur de la jeune femme qui n’avait pas changé. Il s’était tellement ennuyé. Combien de fois il avait espéré la retrouver. Plus personne ne croyait qu’elle était en vie, tout le monde lui disait de tourner la page, mais Morrow s’en voulait toujours. Il gardait espoir et cela l’avait aidé à tenir bon. Il ne savait pas comment elle réagirait à tout ce qu’il lui compterait, mais Hunt tenterait le coup. Elle avait le droit de savoir ce qu’elle avait raté en 20 ans.. c’était triste juste à l’idée qu’elle ne connaissait rien du monde normal ; tant de changement depuis 1995, les téléphones portables, le développement des ordinateurs ; dire qu’on pouvait maintenant joindre des milliers de changer dans une petite clé pas plus grosse que quelques centimètres.. « Ça me fait plaisir… d’entendre ça je veux dire… que tu sois en vie aussi ! » Il trébucha un peu dans ses mots, mais il espérait que Cailee comprenne. « Oui, je vais tout te dire…. Et si tu as des questions, ne soit pas gênée… pose moi les… je ne serais même pas par où commencer … » Il laissa paraitre un sourire timide. Ce qui ne faisait tout simplement pas partie de lui. Hunt était un homme très franc et spontanée. Rien ne le retenait. Morrow sortit ainsi son portable de sa main et quelques clés USB qu’il avait piqué récemment dans un sac qu’il avait trouvé dans un petit café du centre. « Regarde ça. » Il ria doucement. Hunt n’en croyait toujours pas ses yeux, elle était là.

Elle avait toujours aimé le côté un peu maladroit d'Hunter - elle l'appréciait d'autant plus qu'elle avait l'impression d'être une des seule personne à avoir le pouvoir de lui faire perdre ses moyens. Il retrouvait peu à peu sa confiance en lui mais son sourire ne le quittait pas. Cailee l'aimait beaucoup, ce sourire. C'était une marque de franchise pour Hunter ; il ne souriait jamais à ceux qu'il n'aimait pas. Elle acquiesça lorsqu'il l'autorisa à poser des questions mais prit sur elle pour les garder pour plus tard - elle avait envie de l'écouter, désormais. Maintenant qu'elle le pouvait. Il sortit de sa poche un objet qui ressemblait à un téléphone rétréci, ainsi que d'autres petits rectangles de métal et de plastique. Les sourcils froncés, elle prit un de ces petit objet en main et l'examina sous toutes les coutures. « Ca sert à quoi ? » Dans sa tête, cela ne pouvait servir à rien - que pouvait contenir un si petit truc ? Le téléphone rétréci se mit soudain à sonner, ce qui la fit sursauter. D'un geste, elle l'attrapa, encore vibrant, et examina l'écran. Le prénom de Caleb était écrit, mais il s'arrêta soudainement de sonner et revint à un écran noir. « Tu peux téléphoner, avec ça ? Plus besoin de fil ? » Elle avait l'impression de se retrouver dans un de ces film futuriste.
Un téléphone qui rentre dans une poche. Et puis quoi encore ? Un mini-tel de la taille d'un livre, peut-être ? « Tout ça, c'est à toi ? » Ca faisait beaucoup de petits objets rectangulaires pour une seule personne.

Il était vrai qu’en y réfléchissant, de lui montrer l’évolution de la technologie ne semblait pas être la meilleure des choses à lui montrer après 20 années enfermés. Elle avait raté beaucoup plus important que du matériel. Malencontreusement, Hunt savait bien qu’il souffrait depuis si longtemps et qu’il s’était mis dans la merde tellement souvent qu’il ne comptait pas raconter tout ça à Cailee… surtout en ce moment. L’homme préféra donc y aller avec les petits plaisirs de la vie que la belle brune avait ratée. Il lui sourit, alla même jusqu’à pousser un rire amusé face à son commentaire. « Ça sert à stocker des informations, des fichiers, des programmes. Là-dessus, je dois avoir trois cents chansons… je te ferais écouter ce que tu as raté, tu vas voir, on est plus vraiment au même niveau que Pink Floyd et Michael Jackson… ah oui, il est mort en passant … aujourd’hui, la musique semble ressembler à des pitounes qui se trémoussent sur une piste de danse. C’est pas que ça me dérange, mais on est loin de la vieille musique… » Il se rappelait l’époque où il écoutait ses vieux cds de rock avec la belle Hastings. « Non plus besoin de fils.. j’ai même internet là-dessus… je peux regarder des films ! » Il croisa les bras fixant la disparue observer l’objet avec un léger fou rire. Soudainement, il sonna et la photo de Caleb afficha. Il attrapa l’appareil et déclina l’appel. « Je lui enverrais un texto plus tard… » Il avait envie de partager ce moment avec Cailee. Il s’imaginait que Leb était désormais au courant pour le retour de Cailee s’il l’appelait. « Ouais c’est tout à moi.. si tu verrais le manoir que j’ai maintenant. » Il éclata de rire, démontrant qu’il blaguait.